Depuis 2020, le monde de la publicité se prépare à l’apocalypse des cookies (témoins de connexion). Les changements apportés aux infrastructures de données visent à protéger l’identité des internautes en bloquant l’accès à certaines informations précédemment mises à la disposition des publicitaires. Et dans les quatre dernières années, les règles ont (évidemment) continué de changer.
Voici une ligne du temps des événements :
- 2020 : Chrome, Safari et Mozilla annoncent une disparition graduelle des témoins de navigation sur leurs fureteurs. Dans la même année, Safari et Mozilla bloquent l’accès aux témoins tiers tandis que Chrome envisage une érosion sur deux ans.
- 2021 : Apple déploie sa politique app tracking transparency (ATT), qui permet aux internautes de bloquer les témoins tiers sur ses applications. Google perfectionne son Privacy Sandbox, une initiative qui classera les internautes en différents segments, freinant ainsi l’identification personnelle des internautes.
- 2022 : Début de l’application de la loi 25, qui affecte en grande partie l’adoption des témoins tiers, des données d’analyse et des données publicitaires sur les sites 2023 et 2024.
- 2024 : Fin du soutien fourni pour les témoins tiers par Chrome, soit quatre ans plus tard que Safari et Mozilla.
- 2024… : Mort des témoins tiers.
Depuis le début des annonces, les publicitaires tentent de trouver des solutions pour minimiser les impacts sur les performances et la mesure de leurs campagnes. Les effets assurés seront sur le reciblage, sur l’évaluation de la portée et de la fréquence et sur l’attribution entre plusieurs plateformes. Heureusement, ce qui s’annonçait être un cookie-gate bloquant tout accès du jour au lendemain est finalement une érosion plutôt graduelle. Ce faisant, tant les GAFA que les agences ont eu le temps d’imaginer et de mettre en place quelques solutions.
À la lumière de ce changement, l’une des principales tendances qu’on remarque déjà est la consolidation des cloisonnements chez ces médias qui souhaitent protéger les données propriétaires de leurs plateformes en plus de maximiser leur utilisation pour en augmenter la pertinence, l’extrapolation et le volume. On parle aussi des fameux walled gardens des GAFA, mais aussi de certains grands joueurs locaux; c’est la course à la donnée propriétaire et au log-in, permettant de récolter une information plus fiable et précise.
La deuxième tendance observée est la génération et l’entretien de données propriétaires au sein d’annonceurs. Comment ? En travaillant de pair avec son équipe TI pour maximiser le potentiel de ses listes de courriels et d’autres données clients, en créant des campagnes d’acquisition – bref, en tirant profit des données récoltées par le passé et en s’assurant de les nourrir et de les enrichir. Pour la récolte et l’organisation des données, de plus en plus d’annonceurs se tournent vers les technologies de CDP (customer data platform), de Reverse ETL et de Data clean rooms, permettant d’automatiser la gestion des segments et de faciliter l’intégration aux plateformes de livraison. L’utilisation de joueurs technologiques comme Optable (un joueur local, d’ailleurs!) sera assurément croissante, comme elle permet le croisement sécuritaire des données propriétaires d’un annonceur et d’un média afin de recibler efficacement ses listes CRM, sans pour autant compromettre la sécurité des données.
Autre pratique en forte hausse : la résolution identitaire (identity resolution), côté plateforme publicitaire. Par cette appellation parfois galvaudée, on fait référence à des procédés permettant de lier les données propriétaires (par exemple, l’adresse courriel d’un client ayant tout récemment converti sur un site Web) à des plateformes, notamment publicitaires. De ce fait, l’établissement d’une corrélation — par exemple entre une impression publicitaire et une conversion — est largement facilité. Une réconciliation d’adresses courriel ou de ID d’appareil est généralement rendue possible par une connexion API, du CRM client vers la plateforme en question.
Finalement, il est désormais courant de se munir d’un modèle probabiliste (Marketing Mix Modeling, ou MMM). Plusieurs partenaires travaillent à développer des solutions faisant usage de leurs données propriétaires afin d’établir le MMM idéal. L’objectif : utiliser la donnée pour développer une approche média multicanale, statistiquement inférée. S’outiller de la sorte d’un système d’analyse, c’est un peu reconnaître par le fait même qu’un impact marketing va au-delà (même avec les témoins de navigation) d’une attribution directement corrélée. Et si de multiples partenaires offrent déjà depuis un bon moment des solutions qui vont en ce sens, nous sommes d’avis que les prochaines années, voire les prochains mois, verront se concrétiser de plus en plus de solutions statistiques intégrées au service des marques; nommons entre autres les nouveaux modèles d’attribution de Google Analytics 4.
L’érosion (réelle) des témoins de connexion, contrastant avec l’appréhension projetée de leur disparition soudaine, nous permet de bien observer l’évolution de la situation et de nous y adapter, mois après mois. Et si la mort des témoins tiers pouvait sembler une horreur aux yeux de la majorité des marketeurs, on peut, déjà aujourd’hui, se réconforter : les grands joueurs de la donnée sont déjà sur le cas et l’avenir nous réserve certainement des solutions de rechange. Il suffit, pour l’instant, de prendre un pas de recul et de voir la donnée comme ce qu’elle a toujours été : une source de connaissances infinies à décrypter.